mardi 29 décembre 2009

lundi 21 décembre 2009

Ach ! la guerre... Gross malheur !

Soudain, sur les plaines glacées et désolantes de l'infortunée Pologne, déferlent les hordes hitléro-canines, détruisant tout sur leur passage, en un implacable pas de l'oie...




dimanche 20 décembre 2009

Monsieur Biche, ne vois-tu rien venir ?


Cet après-midi, promenade sous un ciel uniformément pur, à travers les champs enneigés et miroitants, avec les trois pépères (désolé, Brgotte, mais le masculin l'emporte ; en tout cas dans cette maison et tant que je serai vivant). Bien entendu, dès que délaissé, Swann est parti à courir, harcelé par Bergotte. Elstir les suivait, mais, bientôt, il s'arrêtait à une sorte de frontière invisible, lorsque les deux autres prenaient trop d'avance sur lui et que, par ailleurs, il devait se juger trop loin de nous. Auquel cas, il demeurait sur place, jusqu'à ce que les deux adultes fassent demi-tour et reviennent en galopant vers nous. Dès qu'il estimait que la distance était de nouveau raisonnable, Elstir se remettait à courir dans leur direction. Puis, tout le monde repartait dans l'autre sens – et la neige finement glacée craquait sous nos semelles.

vendredi 18 décembre 2009

Les chiens, c'est pas des gens comme nous

Hier, première neige pour Elstir, ainsi qu'on l'a vu. Apparemment, il a aimé, puisque, depuis ce matin, c'est à peine si on l'a vu dans la maison. Du reste, à l'heure où nous mettons sous presse, la tempête fait rage, les flocons tourbillonnent comme des crétins modernes dans une pride-parade, il fait un froid de gueux. Ce qui n'empêche pas les trois pépères d'être depuis une demi-heure confortablement couchés dans la neige, les deux aînés rongeant consciencieusement leurs os respectifs. Cependant qu'Elstir...
... Cependant qu'Elstir s'essaie à la confection de boules de neige. Si tout se passe bien, d'ici une semaine, on lui apprend à faire un bonhomme. Et, cet été, sur les plages, stage de formation au château de sable.

jeudi 17 décembre 2009

La Première Neige du Suisse de souche

De souche, c'est vraiment beaucoup dire : recevant son pedigree hier, Catherine s'est aperçue qu'une partie des ascendants d'Elstir venaient vraisemblablement du Portugal, si l'on en juge par l'orthographe de leur nom. Le plus étonnant est que l'un de ses arrières-grands-pères lusitaniens s'appelait Swann.

Il n'empêche que Monsieur Biche (Senhor Biche, donc) a, ce matin, découvert sa première neige (mais pas en injection : il est trop petit encore). Et qu'il a eu l'air de se demander d'où cela pouvait bien venir.

mardi 15 décembre 2009

Développement du rab

Depuis maintenant cinq semaines que Monsieur Biche est chez nous, trois par jour nous pesons ses croquettes sur la balance murale de la cuisine. Bien entendu, il ne lui a pas fallu longtemps pour relier le bruit de l'instrument que l'on ouvre avec l'imminence du repas. Ce soir, parce qu'elle avait besoin de peser les coquillettes de notre repas, Catherine a actionné la balance. Immédiatement, pensant sans doute à un rab inespéré, une demi-heure après son dîner, Elstir s'est précipité vers la cuisine, alors même qu'il semblait profondément endormi.

Les deux autres, pour qui cette balance n'évoque rien de gastronomique, sont restés sagement couchés dans leur panier.

vendredi 11 décembre 2009

Dehors, le nonosse !



Si je tenais le vétérinaire bas-normand qui nous a donné un jour ce conseil... « Donnez-lui de très gros os de bœuf à ronger : il n'aura jamais de problèmes de dents... » Certes, d'un point de vue strictement parodontologique, il avait raison. Mais pour le reste... Combien de fois, Catherine et moi, avons braillé cette phrase, intimé cet ordre, clamé cette interdiction : Dehors, le nonosse !

Car Balbec, tout petit déjà, vers 1998, avait décrété qu'il était beaucoup plus confortable, voire jouissif, de ronger ses genoux de vache à l'intérieur de la maison ; cependant que nous, les bipèdes, avions décidé qu'il était plus séant de le faire dans le jardin. Cela a pris des mois, plusieurs fois par jour : dehors, le nonosse !

Et voilà que, depuis quelques semaines, c'est reparti avec Elstir. Lui, en outre, est plus vicieux que le Grand Ancêtre : il en détache des petits bouts, les planque dans sa gueule et les importe en loucedé dans un panier, aussi sournoisement qu'un patron sans scrupule faisant travailler des petits Sri-Lankais de huit ans afin d'abaisser ses coûts de production. Bref, on est reparti pour un tour, le disque rayé saute indéfiniment...

Dehors le nonosse !

jeudi 10 décembre 2009

samedi 5 décembre 2009

À quoi ressemble un chien mort ?

En aucun cas à ça. Ce que vous voyez là est un chien intensément vivant, mais endormi. Et qui dort dans la position de son ethnie (j'ai failli écrire “de sa race”, mais je ne tiens pas à voir les nègres subventionnés du CRAN me tomber sur le poil : donc, je fais comme tout le monde désormais, j'emploie les derniers mots autorisés, pendant qu'ils sont encore autorisés – et je baisse les yeux comme on m'a appris). Il se trouve que Balbec, de la même ethnie des bouviers bernois (des chiens suisses : des connards d'extrême-droite opposés aux minarets, des chiens comme on les aime, quoi : il ne leur manque que le brassard nazi à la papatte avant droite..) dormait exactement dans la même position. Exactement. D'une certaine manière il revit, dans cette petite peluche – et, d'une certaine manière, nous revivons aussi. Moi notamment, car ce chien disparu reste vibrant, même si cela semble stupide à beaucoup. Il me semble que je pourrai bien entasser les chiens les uns sur les autres, pendant le peu qu'il m'est imparti, Balbec demeurera vivant, et chacune de ses postures, imitée par la peluche actuelle, restera gravée et palpitante.

Et je me fous, ô combien, de passer pour un con.

mardi 1 décembre 2009

De l'asile politique canin

Virés manu militari par Catherine de la maison – pour cause de ménage –, les chiens viennent de me demander l'asile politique dans la Case : je le leur ai accordé sans barguigner, ils sont là tous les trois, les deux adultes couchés et Elstir jouant avec une feuille morte, l'une de celles qui jonchent le sol de ce bureau après le vent des derniers jours.

vendredi 27 novembre 2009

Je vais faire mon jaloux

Elstir ! n'écoute pas ce que ce jeune crétin te raconte : i' dit rien que des conneries...

Viens plutôt voir papa !

mercredi 25 novembre 2009

À l'attaque, tabarnak !


Ça s'est passé hier soir, pendant l'apéro (pris pour fêter la fin du Brigade mondaine en cours). Swann, qui fait le dédaigneux depuis l'arrivée d'Elstir, a décidé qu'il voulait jouer avec les deux autres. Et il l'a fait. À grand renfort de grognements, de babines retroussées, pour faire croire qu'on est tous des pitbulls. Du coup, j'ai arrêté la musique, car vraiment on ne s'entendait plus, Bergotte et Elstir ayant décidé qu'il leur fallait venir à bout de l'autre montagne de muscles. Les deux montraient les dents aussi, personne n'était impressionné par quiconque, on se marrait bien. Comme l'affaire traînait un peu, on a repris un verre en les regardant.

samedi 21 novembre 2009

La meute romanesque s'élargit



Au moment où son “Grand chef” s’apprêtait à faire intimement et bibliquement connaissance avec Hélène Granvilliers, à sept cents kilomètres plus au sud Géraldine Hébert poussait le petit portillon de bois du château de Plieux.

Aussitôt, surgissant de derrière la tour Sainte-Mère, les trois chiens des actuels occupants surgirent et coururent à sa rencontre, tout joyeux de voir du monde. Non seulement eux, mais deux de plus, des labradors, un noir et un sable, visiblement vieux, que Géraldine identifia immédiatement pour les avoir déjà vus, deux ans et demi plus tôt.

Orage et Ottokar, les deux chiens du maître de maison.

La silhouette de Catherine, la petite frisée gracieuse aux lunettes rouges qui leur avait servi de guide trois jours plus tôt, à Liselotte et elle, apparut à son tour, souriante, au coin de la tour.

- Swann ! Bergotte ! cria-t-elle, ça suffit maintenant ! Et arrêtez de sauter après les gens, c’est très mal élevé !

Elstir, le petit bouvier bernois, essayait bien d’imiter ses deux aînés et de grimper aux jambes de Géraldine, mais, encore trop lourdaud, il ne parvenait qu’à produire de petits bonds plutôt comiques, tout de suite avortés.

- Le grand homme est rentré ? s’informa Géraldine Hébert avec un grand sourire, en désignant les deux labradors qui s’avançaient en boitillant.

- Non, seulement ses chiens ! répondit Catherine en lui rendant son sourire. Ils étaient en villégiature dans l’Ariège et on nous les a ramenés ce matin. Ça commence à faire un peu “meute”, toute cette affaire...

- En effet ! Je ne sais pas trop si j’aimerais beaucoup ça, je dois dire...

- Oh ! c’est provisoire, heureusement ! Et puis, mon mari et moi sommes en plein gâtisme avancé, avec les chiens.

- En somme, conclut Géraldine Hébert, avec un mouvement circulaire du bras droit, j’ai été accueillie par la meute des gâteux, quoi !

Les deux femmes éclatèrent de rire en même temps, s’attirant deux ou trois regards canins légèrement réprobateurs.

vendredi 20 novembre 2009

La meute accède à l'immortalité littéraire (mouais, enfin...)



- Si vous le voulez bien, nous allons à présent monter dans les étages, c’est-à-dire les parties habitées du château, proposa leur guide lorsqu’elles eurent fait le tour des deux salles.
- C’est vraiment superbe, je n’avais encore rien vu de pareil... murmura Liselotte, qui restait en contemplation devant le grand Marsyas ligoté et sanguinolent, suspendu au fond de la deuxième salle.
- Si vous avez l’occasion de passer par Toulouse, lui répondit Catherine, je vous conseille vivement de vous rendre à la station “Carmes”, de la ligne n°2 du métro : L’immense Voie lactée qui décore la voûte et la descente d’escalator est également de Jean-Paul Marcheschi, et c’est une réalisation magnifique...
Les trois femmes étaient maintenant entrées dans la tour et gravissaient l’escalier de pierre aux marches luisantes et mutilées par le temps. Par endroit, on voyait par de larges interstices le vide sous ses pieds...
À l’endroit où un escalier de bois neuf remplaçait la suite de l’escalier de pierre, effondré, leur guide obliqua à droite et les invita à pénétrer dans une salle de proportions identiques à celle qui se trouvait juste en dessous et qu’elles venaient de quitter. Celle-ci était carrelée, contrairement au rez-de-chaussée dont le sol était resté en terre battue.
- C’est la salle des Pierres, non ? demanda Géraldine en y pénétrant à la suite de Liselotte.
- Exactement ! sourit Catherine. Je vois que vous avez bonne mémoire !
- Pourquoi la salle des Pierres ? demanda Liselotte, en regardant alternativement les deux autres.
Leur guide s’approcha de la table – une simple plaque de verre posée sur deux tréteaux de bois et entourée sur trois côtés de fauteuils d’osier –, y saisit l’un des catalogues qui s’y trouvaient exposés et le tendit à la Danoise.
Celle-ci découvrit que la photo de couverture représentait la pièce où elles se trouvaient, mais encore planchéiée et non carrelée, et sans la moindre trace de mobilier.
Mais la différence essentielle était que, dans tout l’espace, suspendues aux énormes poutres transversales par des cordages de marine, pendaient de très gros blocs de pierre.
- La photo date de l’été 1995, expliqua leur guide à Liselotte. Cet été-là, Iannis Kounellis est venu faire une “installation”, comme on dit dans le jargon moderne. Et, pour cette salle où nous sommes, il avait choisi de faire ça. D’où son nom de “salle des Pierres”, depuis lors...
Catherine ne put en dire plus car, s’avisant soudain de cette présence humaine, les trois chiens qui dormaient à l’autre bout de la pièce, autour du canapé, des deux fauteuils de cuir brun et de la table basse en osier, se réveillèrent tous ensemble et s’approchèrent de leur petit groupe, le plus gros à pas lents et les deux autres en trottinant joyeusement.
L’un, visiblement le plus vieux, était un énorme labrador noir, probablement croisé. Le second un petit bouvier suisse à poil ras. Quant au troisième, Liselotte identifia tout de suite un bouvier bernois – parce que l’une de ses amies en possédait un, au Danemark –, mais qui ne devait pas avoir plus de deux mois, à en juger par sa petite taille, son poil laineux et sa démarche comiquement pataude.
- Vous n’avez pas peur des chiens ? s’enquit poliment leur guide. Ils ne sont pas méchants...
« Encore heureux ! », faillit répondre Géraldine, qui n’avait jamais été trop portée sur la gent canine.
- Mais non, ils ont l’air adorable ! s’exclama Liselotte qui, elle, les aimait beaucoup et regrettait parfois de n’en pas avoir un à elle.
- Dans ce cas, je vous présente Swann, Bergotte, et Elstir dit Monsieur Biche ! dit Catherine.
- Comme dans Proust ? s’étonna Liselotte, dont la connaissance qu’elle avait de la littérature française rendait parfois Géraldine un peu envieuse.
- On est snob ou on ne l’est pas ! fit alors une voix masculine, très grave et un peu ironique, juste derrière elles.
Géraldine et Liselotte se retournèrent, pour se retrouver face à un quinquagénaire massif, aux cheveux presque ras, et dont les yeux, derrière ses lunettes, étaient étrécis par les poches qui avaient élu domicile juste en dessous. Il promenait devant lui une bedaine de Monsieur Prudhomme satisfait de lui-même, et de l’existence en général.
- Mon mari... présenta leur guide. Nous faisons les visites alternativement...
- Vous avez de la chance d’être tombées sur elle, Mesdames : moi, je vous aurais probablement assommées de considérations parfaitement inutiles ! répliqua le gros homme. Bon, je vous laisse poursuivre...
Il se tourna vers les trois chiens qui faisaient la fête à Liselotte, pour la simple raison qu’elle s’était accroupie pour caresser le bébé bouvier et que les deux autres exprimaient par conséquent leur jalousie :
- Vous venez, les pépères ? On va se promener...
Le verbe eut un effet magique sur les deux bêtes adultes, qui cessèrent aussitôt de s’intéresser à Liselotte pour filer directement vers l’escalier.
- Ça vous ennuierait que je prenne le petit en photo ? demanda Liselotte à Catherine, tout en continuant à lui gratouiller le ventre.
- Mais non, pas du tout ! répondit celle-ci avec un large sourire. Allez-y, faites !
Le visage de Liselotte se rembrunit aussitôt :
- Ah, non, je ne peux pas : comme je pensais les photos interdites dans le château, j’ai laissé mon appareil dans la voiture, en bas...
- Tu veux que j’aille te le chercher ? proposa gentiment Géraldine à sa compagne. J’en ai pour une minute : si Madame accepte de nous attendre un peu...
- Mais bien sûr, allez-y : on a tout le temps ! répondit aussitôt leur guide. D’autant qu’on peut aussi photographier les œuvres exposées...
- Profitez donc de ce que je sorte, dit alors le mari de Catherine : la porte est un peu dure à ouvrir quand on manque d’habitude...
Géraldine descendit donc l’escalier inégal derrière la silhouette massive. Des deux chiens étaient déjà à la porte et remuait de la queue en couinant leur impatience. Ils filèrent dès que celle-ci fut entrebâillée.
- Je laisse ouvert : vous n’aurez qu’à repousser simplement le battant derrière vous, dit l’homme, juste avant de partir dans la même direction que ses chiens.
Géraldine Hébert descendit jusqu’à la voiture de location sans croiser quiconque, trouva en effet l’appareil numérique de Liselotte dans la boîte à gants, et remonta le raidillon. En se disant qu’il faisait de plus en plus chaud à mesure qu’on avançait dans l’après-midi.
Lorsqu’elle poussa le battant de bois, elle vit quelque chose luire faiblement, entre les grosses pierres mal jointes de l’entrée de la tour, d’où s’élançait l’escalier.
Machinalement, elle se baissa pour tenter de voir de quoi il pouvait bien s’agir.
Cela ressemblait à une sorte de broche, qui serait tombée et aurait par hasard glissé verticalement entre les deux grosses pierres polies par le temps et le passage des hommes tout au long des siècles.
Géraldine glissa l’index et le majeur entre les pierres, afin de saisir le petit objet. Elle y parvint non sans s’y être reprise à trois fois, et l’amena à hauteur de ses yeux.
C’était bien une broche, en effet, mais on pouvait difficilement qualifier l’objet de “bijou”, car il n’était pas très joli et encore moins précieux.
Géraldine se redressa et ressortit sur les marches extérieures afin de le voir en pleine lumière.
Soudain, elle identifia l’objet qu’elle tenait dans le creux de sa main, et son cœur se mit à battre nettement plus vite.
Il s’agissait d’un “cairn”, un insigne que portaient traditionnellement les scouts adolescents, et que l’on garnissait de “pierres”, à mesure qu’ils s’élevaient dans la hiérarchie de leur mouvement.
Un signe distinctif comme l’adolescente retrouvée morte le matin même, à l’autre bout de Plieux, devait sans doute en porter un.
Obéissant à une impulsion soudaine, Géraldine Hébert glissa l’insigne dans la poche de son jean, avant de monter rejoindre les deux autres femmes.

jeudi 19 novembre 2009

D'une feuille à l'autre...

Pendant que le Luminaire céleste alimente sa feuille de chou, Elstir mange celles de notre tilleul.


mercredi 18 novembre 2009

Didier Goux trouve le bouton (et l'Irremplaçable prend son pied).

D'ordinaire (mais c'est un court ordinaire : dix jours, pas davantage), après le dîner, le dîner canin, Bergotte et Elstir passent le temps à jouer. Des jeux sonores : on peut bien choisir, pour l'apéro, la musique que l'on veut, ils s'en tapent – et nous aussi, finalement –, ils grognent, aboient, regrognent. De toute façon, à cette heure de la journée, on est accoutumé de n'écouter que des nègres qui, bien entendu (on est nazi ou on ne l'est pas), passent largement après nos chiens : on connaît la hiérarchie des races, tout de même.

Mais, ce soir, non. Swann s'est réfugié dans son panier ; mais lui, c'est normal (je reviendrai à Swann et à son rapport avec Elstir), il fait ça tous les soirs – et même dans la journée. Pendant ce temps, Elstir, après avoir pissé un peu partout au hasard de la fantaisie de sa vessie encore en roue libre, a voulu, comme hier, avant-hier, les jours d'avant, se livrer à ces exercices qui ravissent ses maîtres mais les empêchent totalement d'écouter Nat King Cole, Shirley Horn, Johnny Hartman, John Coltrane, and so on. Bref, Bergotte, peut-être parce qu'elle s'était niqué un ongle cet après-midi on ne sait où, avait décidé qu'elle préférait aller taper un roupillon dans son panier. Ce qu'elle a fait.

Du coup, un peu désemparé, errant, la tête et l'œil bas presque comme un pigeon blessé, Elstir s'est réfugié sur le pied du seul humain qui compte vraiment pour lui dans cette maison (on en reparlera !), à savoir Catherine.

Et c'est comme ça que votre serviteur est devenu photographe.

mardi 17 novembre 2009

J'ai faim...

Difficile de ne pas craquer devant ce regard suppliant. Il est à la diète pour 24 heures. Je lui ai donné du riz et de l'eau de riz, mais Môssieur Biche n'en veut pas.


Déprimé, résigné ?

Ce matin, de jolies crottes bien moulées. Donc il a droit à une demie-ration de croquettes mélangée avec du riz. Il a tout mangé. Ouf !

lundi 16 novembre 2009

Désolé, mes frères humains...

Je pense que c'est normal. Cet écartèlement entre l'indifférence et l'attendrissement. Je parle du “petit dernier”. Il vient d'entrer, il ressemble à une pataude peluche, chaque demi-journée qui passe le fait changer, on le voit être plusieurs, à l'œil nu, quand les deux autres, bien sûr, sont déjà devenus ce qu'ils seront jusqu'à la fin. Eux, la seule chose qui changera radicalement notre rapport cyno-humain, ce sera leur mort – on a l'expérience. Mais jusque là, tranquilles.

Elstir, c'est différent. On ne l'aime pas encore. Il amuse, dérange, attendrit, agace, rajeunit, horripile, fait fondre – la multiplicité des verbes vous fait comprendre le fond de la question : on ne l'aime pas encore. Un de ces jours on l'aimera. Impossible de dire quand, de toute façon on ne saura pas.

J'assume très bien le ridicule de ce que je suis en train d'écrire : depuis une semaine, mon existence quotidienne a changé en raison de l'arrivée de ce chien, de ce bébé chien, de ce... le mot "chiot" par exemple me gêne parce qu'il ne correspond à rien de ce que je vis : encore plus ridicule, donc. Pourquoi mon existence change-t-elle ? Je ne sais pas. Mais il se trouve que, par exemple, ce matin, vers huit heures et le jour se levant à peine, dans mon fauteuil, j'ai laissé Maupassant tomber sur mes genoux juste pour regarder Elstir et Bergotte faire semblant de se prendre au collet – pendant près d'une demi-heure, œil vide, sourire niais, bras ballants : la vie change, je vous dis.

Vingt minutes plus tôt, au lieu de tranquillement préparer le café, j'avais couru partout, un rouleau de papier essuie-tout à la main, en maudissant l'idée que j'avais eu d'accepter chez moi ce petit pisseur et chieur tous terrains. Vingt seconde ensuite, il levait ses yeux vers moi et l'idée qu'il pourrait mourir de la diarrhée qui l'afflige actuellement me tordait les boyaux, à moi.

Mais j'assume très bien ce ridicule. Mieux : je le réclame, je l'invoque, je le revendique. Bien que dénué de son talent, je m'enroule dans la bannière de Paul Léautaud. Je me cache derrière lui, dans l'épaisseur des pages de son journal.

Je ne sais pas très bien pourquoi la souffrance des humains me laisse de plus en plus tranquille, ni pourquoi, conjointement, celle des animaux m'est de plus en plus insupportable (au point d'avoir, il y a six mois, transformé le bouffeur de viande que j'étais en végétarien, et sans un manque, et en étant content), il est possible qu'il y ait du ramollissement cérébral derrière tout cela.

Il n'empêche, c'est ainsi et je veux bien m'en excuser si on me le demande : les yeux des enfants me laissent indifférents, ceux des chiens m'émeuvent. L'écrivant, je ne suis pas particulièrement fier de moi.

samedi 14 novembre 2009

Cet étrange bonheur sans cause

Il y faut un nombre d'ingrédients presque impossible à réunir. Mais la réunion se produit parfois, notamment le soir – uniquement le soir, en fait.

Le fauteuil auquel on est accoutumé, qui ploie sous votre masse, se plie à ses rotondités, gomme les quelques aspérités qui vous restent.

La porte de la maison doit impérativement être entrouverte, afin que vous perceviez le bruit du vent dans les branches, et que vous vous demandiez, lorsqu'il se lève, s'il s'agit bien du vent ou alors d'une pluie soudaine. Il convient aussi que le fauteuil soit disposé face à la fenêtre regardant le tilleul, de manière à voir ses branches s'agiter absurdement, mais en lien avec l'esprit général de la scène.

Un peu de musique ne sera pas superflu – je recommande un saxophone ténor. Mais le choisir avec soin ! Lester Young me semble idéal ou, à défaut, Buck Hill, entre deux couplets de Shirley Horn, tricotant un pont pour pieds très légers.

Chacun réglera la lumière comme il l'entend.

Tout cela n'est bien sûr que le décor, un vieux théâtre guignol, où il pourrait fort bien ne rien se passer du tout : maintenant, il vous faut trois chiens.

Ils ont mangé une ou deux heures plus tôt ; les deux moins vieux ont ensuite joué à faire semblant de s'entremordre, sous l'œil du plus vieux qui est aussi le plus massif et le plus uniformément noir.

À présent – et on en prend conscience au milieu du chorus –, ils dorment. Ou ils jouent à être déjà morts, on ne sait pas. L'ancêtre est dans son panier – juste à portée de votre main gauche, mais vous avez garde de ne pas l'éveiller, alors que peut-être il aimerait ça. La petite (on l'appelle ainsi parce que, à terme, c'est en effet elle, la seule femelle, qui restera la plus menue – mais elle n'en sait encore rien, elle roule des mécaniques) est allongée sur le flanc, entre la table basse et le panier de l'ancêtre. Sur le flanc droit, parce que le hasard l'a décidé ainsi : elle tiendrait tout aussi bien son rôle à l'inverse.

Le nouveau venu est invisible, du fauteuil où vous êtes. Vous savez qu'il dort aussi ferme que les autres, mais vous ne le voyez pas. Il est sous la table dont nous venons de parler ; sans le savoir, il profite de sa chance de pouvoir s'y glisser encore – dans quatre semaines au plus c'en sera terminé. Du reste, en ce moment, sans qu'il en sache rien, chaque jour qui passe est la mort irrémédiable d'un petit détail de son existence. Vous, dans le fauteuil, main à portée de bière, vous vous dites qu'il en va de même pour vous et pour tout être. Mais, juste après que cette pensée s'est présentée, un peu d'ironie déforme votre sourire. Pour l'effacer, vous regardez de nouveau les chiens – c'est-à-dire les deux que vous voyez. Et vous pensez surtout à l'Invisible, peut-être pour cette raison.

Comme aucun d'eux ne fait le moindre mouvement, sauf parfois une imperceptible trémulation des pattes, onirique probablement, vous avez tout loisir de rameuter – et c'est le mot – l'Invisible Majeur, celui qui n'est même plus sous la table. Comme le vent forcit, l'envie vous prendra peut-être de prononcer son nom à voix haute. Pour savoir si ces deux syllabes nettes – douce la première, claquante la seconde – auront pouvoir de réveiller les trois autres. Et vous ne direz rien, sachant qu'aucun ne bougera, même pas l'ancêtre dans son panier tout neuf, imperial pullman, gris métallisé, couchette GTI.

Finalement, le vent s'apaisera traîtreusement au moment où il devenait indispensable, les chiens n'en sauront rien, ils continueront à vous faire confiance et à le prouver par leur sommeil rigoureux. Vous hésiterez à bouger, alors qu'il le faut bien. Vous vous demanderez s'il le faut réellement, en étant certain que non.

Finalement, vous vous lèverez, pour vaquer à quelque chose.

mercredi 11 novembre 2009

Le premier nonosse d'Elstir

Qu'est-ce que c'est ?


Renifle, renifle...


Miam...


miam !


Il s'est quand même approché de Swann, des fois que le sien aurait été meilleur, mais s'est fait remettre à sa place. Et puis au bout d'un quart d'heure, il est rentré, crevé. C'est que c'est fatigant de ronger son os...


Elstir fait son numéro de charme (avec peu de succès pour l'instant)

Oui certes, l'Irremplaçable a prévu très grand pour le panier du nouvel arrivant. Même s'il va multiplier son poids par six dans les huit ou dix mois à venir. Du coup, à part quand il s'agit de faire l'avantageux pour la photo, il le dédaigne ostensiblement et préfère prendre ses quartiers dans celui de Bergotte, laquelle elle-même a tendance à planter son bivouac nocturne sur mon fauteuil.

Entre ses deux-là, les relations sont normalisées depuis hier : des heures de jeu ensemble, lequel consiste essentiellement, pour Elstir, à faire semblant de mordre Bergotte aux babines ou aux oreilles, et à se prendre des pains dans la tronche en retour, puis à se casser la gueule tout seul à chaque fois qu'il tente de lui sauter sur le dos. Il a l'air de trouver ça divertissant, personne ne songe à l'éclairer sur ce point.



Mais la grande affaire d'Elstir, depuis trois jours qu'il est là, ce sont ses manœuvres de séduction en direction de Swann, lequel continue de se montrer réticent. Dès que le petit bout de viande s'approche de son propre panier, il grogne comme un imbécile, ce qui n'impressionne personne, même pas Elstir.

Sinon, lorsqu'ils sont tous les trois dehors, Swann va ostensiblement s'asseoir à l'autre bout du jardin (petit, le jardin...) ; et, si Elstir le rejoint, il détourne la tête et va lentement s'installer un peu plus loin.

Ce qu'il ne sait pas encore, c'est que le temps œuvre contre lui, et que, d'ici une semaine au plus, il aura complètement oublié qu'il fut un temps où Elstir ne faisait pas partie de la maison – il pensera avec sincérité et force que l'Autre a toujours été là et, du coup, n'osera plus lui interdire l'accès à son panier. Le connaissant, je suis bien certain qu'il se poussera pour lui faire une place, et même finira par aller se coucher ailleurs pour la lui laisser toute.

Il n'est pas français pour rien, Swann.

dimanche 8 novembre 2009

Les deux petits derniers de la portée


Il fallait bien les présenter, ces deux là !


Voilà, c'est fait, ils craquent l'un pour l'autre !

Y'a Didier qui me pique toutes mes photos...